L’eau, l’industrie, les nuisances : Quelles perspectives apportent la nouvelle gouvernance d’Altereo pour les métiers du groupe et pour les collectivités ?
Gilles Brunschwig : Le projet que nous mettons en place est avant tout un projet d’innovation sociale. La contrepartie de nos choix stratégiques exige d’améliorer l’attractivité de l’entreprise pour fidéliser nos collaborateurs et renforcer le capital humain qui est notre premier actif.
Nous sommes une société de service. Nous mettons à la disposition de nos clients les compétences de nos équipes. C’est la disponibilité de nos collaborateurs au quotidien qui assure notre développement. La question de la motivation des équipes est depuis de nombreuses années au cœur des préoccupations d’Altereo. Cependant ces dernières années, elle a gagné en importance.
Face aux bouleversements profonds que vit notre société, pour s’engager aux côtés des collectivités dans la résilience des territoires, il est particulièrement important de s’appuyer sur des équipes qui ont de l’énergie et de l’ambition. Cela passe par des choses très concrètes comme la semaine de travail de 4 jours et demi et également par l’actionnariat salarié. Dans le cadre de cette opération, le nombre de salariés associés a doublé. Ils sont plus d’un quart à avoir investi.
Le deuxième axe de notre stratégie est de poursuivre le développement de nos activités principales en France et à l’international en mettant en place une stratégie proactive de croissance externe. Le fond tunisien AfricInvest Europe, qui est très implanté en Afrique et a rejoint le tour de table, doit notamment nous aider à nous développer sur ce continent même si on ne part pas de zéro. Nous avons des projets très actifs au Maroc avec la LYDEC (Lyonnaise des Eaux de Casablanca), sommes implantés depuis longtemps en Tunisie avec l’Office National de l’Assainissement, présents au Nigeria et nous venons de terminer une mission de 18 mois à Kampala, la capitale de l’Ouganda, avec la mise en œuvre de HpO®.
La troisième orientation majeure de notre projet d’entreprise est de continuer à cultiver notre esprit précurseur grâce à l’innovation. Pour concrétiser des solutions nouvelles qui répondent aux défis des intercommunalités dans l’organisation de la politique de l’eau sur leur territoire, nous créons une nouvelle entité Altereo Innovation & Digital (Altereo ID) qui rassemble les moyens de R&D, de développement de logiciels et solutions à forte valeur ajoutée autour de l’IA et du SIG.
En résumé, motivation, agilité et innovation sont les trois piliers de la nouvelle gouvernance. Ils doivent faire la démonstration que l’adhésion à ces valeurs peut changer la donne et inscrire Altereo dans un rythme de croissance soutenu. Nous visons 10% par an hors croissance externe.
EIN : Comment se positionne la nouvelle structure Altereo Innovation & Digital par rapport aux activités historiques d’Altereo ?
Jean-François Closet : On ne renie pas notre savoir-faire. Nous sommes un des leaders dans le domaine de la planification des infrastructures d’eau et d’assainissement et du développement de la vie des territoires, et notre cœur de métiers est toujours là.
Les services d’eau vont devenir des acteurs majeurs de la gestion intégrée de l’eau. L’été et l’automne 2022 ont fait prendre conscience aux collectivités que la ressource en eau est un actif qui a des limites. Qu’il faut revoir la façon dont on aborde la planification des infrastructures, dont on s’assure que l’ensemble des usages de l’eau soient bien satisfaits. La crise énergétique devrait générer de nouveaux besoins également.
Altereo va donc s’appuyer sur les compétences solides de ses équipes de R&D et de développement des outils de SIG réunies au sein Altereo ID, soit 20 personnes, pour renforcer sa capacité à développer des solutions qui apportent de l’intelligence et aident les territoires dans leurs grandes transitions. C’est là tout le sens de cette entité.
EIN : En tant que cabinet d’expert, leader dans l’ingénierie de l’eau et de la ville, comment percevez-vous l’évolution du risque de défaillance des réseaux d’eau depuis 20 ans ?
Jean-François Closet : La gestion patrimoniale : tout le monde a conscience qu’il faut la faire. Nous avons travaillé cette année avec la FNCCR sur le projet de mutualisation des données France Data Réseau (FDR). Cinq collectivités partenaires de taille significative ont participé à ce projet qui leur a permis de s’approprier la complexité de la data et les outils d’optimisation des programmes de renouvellement.
Il existe une corrélation évidente entre les outils de gestion de données et la problématique de la gestion patrimoniale. Les gestionnaires n’ont jamais été aussi près de s’engager dans la problématique de la gestion patrimoniale. Mais il faut qu’il y ait des décisions stratégiques au niveau des services d’eau pour que les réseaux soient gérés comme des actifs et non plus comme des tuyaux uniquement.
Porté par la loi NOTre, l’effet de concentration des collectivités a conduit les clients à demander des ingénieries qui soient plus robustes qu’avant. Les services techniques se sont professionnalisés, ce qui nous a amené en même temps à nous adapter aux nouvelles tailles des collectivités, à faire grossir les bureaux d’études en moyens humains.
Si la priorité des collectivités depuis 2015 a été d’organiser le transfert des compétences, ce qui n’était pas une mince affaire, elles vont maintenant rentrer dans une phase de gestion active des infrastructures.
On est convaincu qu’au travers les outils que l’on a développés, HpO® notamment ou le projet Maltose, un mix entre l’ingénierie classique et solutions de modélisation à base d’IA doit permettre de transformer la vision patrimoniale des réseaux d’eau et même des territoires vis-à-vis des objectifs ZAN.
Parallèlement, nous travaillons avec l’Université Rouen Normandie sur un projet de laboratoire commun de recherche qui vise à articuler des solutions de gestion dédiées au grand cycle de l’eau avec les services d’eau potable.
Propos recueillis par Pascale Meeschaert