Gilles Brunschwig (ECP 90)
Également diplômé de l’Insead (98), Gilles a mené sa carrière dans les télécoms avant de rejoindre Altereo en 2018 dans le cadre d’un projet de transmission. Il est aujourd’hui président de ce bureau d’études proposant des prestations d’ingénierie, de conseil et des solutions digitales pour l’eau, la ville et les territoires
L’IA AU SERVICE DE LA PERFORMANCE DES RÉSEAUX
Dans un contexte de vieillissement des infrastructures et de tension sur la ressource en eau, l’intelligence artificielle donne aux collectivités l’opportunité de cibler la maintenance et le renouvellement des réseaux afin d’optimiser les investissements. Le point avec Gilles Brunschwig (ECP 90), président d’Altereo.
Des camions-citernes et de l’eau dans des bouteilles plastique… Ces solutions d’urgence que nous pensions être réservées aux pays du Sud sont devenues une réalité pour les 2 000 communes en France qui ont vu leur alimentation en eau potable menacée l’été dernier. Alors que le changement climatique accentue chaque jour un peu plus la tension sur la ressource en eau, nous continuons à perdre 20% de l’eau potable que nous produisons en raison des fuites sur les réseaux1. En plus de la tension sur la ressource, l’autre défi qui se présente aux maîtres d’ouvrage est le vieillissement des infrastructures. En 2017, 41% des canalisations en France avaient plus de 50 ans et 86% plus de 40 ans2. Nous entrons donc dans une phase de renouvellement massif de nos réseaux d’eau potable. La valeur totale du patrimoine étant estimée entre 200 et 300 milliards d’euros, il est nécessaire de planifier et de lisser les investissements dans le temps afin de maintenir un prix abordable pour les usagers.
OPTIMISER LA PERFORMANCE DES INFRASTRUCTURES
Les acteurs du marché, dont Altereo3, ont développé des solutions basées sur l’intelligence artificielle, qui permettent aux collectivités de bénéficier d’une véritable aide à la décision pour le renouvellement de leurs réseaux. À partir de modèles de « survie » hérités de la médecine, il est possible de calculer un risque de casse pour chaque canalisation et branchement d’un réseau d’eau potable. Ces modèles sont alimentés par des données « patrimoniales », relatives aux caractéristiques physiques des canalisations, et des données « contextuelles », relatives à l’environnement et à l’exploitation du réseau. Heureusement, les maîtres d’ouvrage disposent souvent de ces données, les agences de l’eau ayant largement subventionné les études permettant de les collecter au cours de ces dernières années (schémas directeurs, diagnostics, etc.). Celles-ci sont ensuite croisées avec l’historique des défaillances enregistrées sur le réseau, pour construire un modèle de défaillance propre à chaque réseau. La compréhension des casses du passé permet alors de prédire l’emplacement des fuites futures.
Le résultat obtenu par ce type de modèle est la carte du risque de défaillance d’un réseau d’eau potable. Les maîtres d’ouvrage sont alors en mesure de cibler le renouvellement des canalisations en fonction de leur risque de casse, maximisant ainsi l’impact de chaque euro investi. Dans une étude menée par Altereo en 2018 à Nouméa, 44% des fuites pouvaient être évitées par le renouvellement des 5% des canalisations les plus à risque. Au-delà de l’optimisation des investissements, l’IA permet également d’établir des plans de renouvellement des réseaux sur mesure pour les territoires. Dans le cadre de son schéma directeur d’eau potable en 2019, Limoges Métropole a voulu maximiser l’impact social et environnemental de son investissement.
Afin de prioriser les canalisations à renouveler, la métropole a donc demandé à Altereo d’intégrer deux autres variables à l’analyse en plus du risque de casse : la présence d’usagers sensibles (hôpitaux, écoles) et le volume des pertes en eau engendré par les casses. Grâce à la pondération des critères appliquée par l’IA, la communauté urbaine a pu mettre en place un plan de renouvellement répondant pleinement aux exigences de l’adaptation au changement climatique.
1. Voir les dernières données du Système d’information sur les services publics d’eau et d’assainissement (Sispea)
2. D. Colon et J. Launay, L’eau potable en France, entre facture et fractures, éd. Nuvis, 2017
3. Altereo a développé la solution HpO, pour « haute performance des services d’eau »